Pour ne pas avoir la poisse,
je fais une demande d'activité à l'intérieur...
J'aimerais qu'à l'occasion dune réunion en salle (donc pas ce samedi)
avoir des éclaircissement sur ce texte publié aujourd'hui dans le journal "Le Monde"
Hélène Courtois, cosmographe intergalactique
PortraitL'astrophysicienne ayant contribué à la description du superamas de galaxies nous entourant a cartographié un vaste désert qui concourt aux mouvements cosmiques
Marion Parent
La répulsion du vide
Dans une nouvelle cartographie publiée le 1er février dans la revue Nature Astronomy, le groupe de recherche -Cosmic Flows, animé par la Française Hélène Courtois, fournit une explication supplémentaire au mouvement des galaxies dans l'Univers proche. Ce mouvement ne résulterait pas seulement de l'attraction gravitationnelle exercée par une région de forte densité, mais également de l'effet répulsif d'une région de faible densité. Initialement -expliqué par l'effet du grand attracteur, une zone d'une -demi-douzaine d'amas riches en galaxies situé à 150 millions d'années-lumière, ce mouvement fut ensuite attribué à l'amas de Shapley, situé au-delà, à 600 millions d'années-lumière. Selon ces nouveaux résultats, le déplacement des galaxies résulterait de l'effet conjugué de la concentration de Shapley et de la région répulsive, nouvellement identifiée. Le vide compterait donc autant que le plein dans le mouvement de la Voie lactée et de ses voisines.
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Ce jour pâle d'hiver, dans son -bureau à larges baies vitrées niché au quatrième étage du bâtiment Paul-Dirac du campus de la Doua de l'université Lyon-I, l'astrophysicienne Hélène Courtois affiche son impatience. " Je me lasse d'expliquer ce que je sais. Je trouve cela moins intéressant que -d'expliquer ce qu'on vient de trouver. C'est pour cela qu'au planétarium j'aime expliquer les -savoirs émergents ", confie-t-elle, évoquant son implication auprès du public du planétarium de Vaulx-en-Velin, dont elle est marraine.
" Si je dois prendre du temps sur ma recherche, ce n'est pas anodin. Cela me grève dans ma compétition ", insiste-t-elle. Elle tient à s'investir pleinement dans son travail de cosmographe au sein de l'équipe internationale de -recherche Cosmic Flows (" flux cosmiques "). En 2014, ces chercheurs avaient révélé en images 3D animées le superamas de galaxies, baptisé Laniakea, au sein duquel est tapie notre Voie lactée. La revue Nature en avait fait sa " une ". Dans Nature Astronomy, mardi 1er février, l'équipe propose une cartographie élargie du groupe local de galaxies, qui révèle les flux en son sein engendrés par un " grand -attracteur ", mais aussi – c'est là la grande nouveauté – par un " grand répulseur ".
De quoi écrire une page supplémentaire de l'histoire du cosmos et couronner de succès la carrière de cette femme de 46 ans, dont le -regard recèle un mélange de détermination, de froideur et d'inquiétude. " Elle est volontaire, fonceuse et persévérante. C'est un modèle d'accomplissement pour les femmes voulant réussir dans la recherche. Elle a su -concilier vie de famille, évolution professionnelle et enseignement ", témoigne Françoise Combes, de l'Observatoire de Paris. " C'est très important qu'il y ait des physiciennes comme elle dans notre domaine, qui soient -visibles à l'université mais aussi dans l'enseignement ", renchérit Valérie Lapparent, de l'Institut d'astrophysique de Paris. " C'est comme si elle avait assemblé un train avec différents -wagons et qu'elle nous tractait ", complète -Daniel Pomarède, du Commissariat à l'énergie atomique, en référence à Cosmic Flows.
Son Graal ? Le grand attracteur, une mystérieuse région extragalactique dense, composée de matière noire et vers laquelle volent, à 630 km par seconde, la Voie lactée ainsi que sa voisine Andromède. Il a été identifié en 1988 par les " sept samouraïs ", surnom donné aux auteurs de cette découverte. Il expliquait la -déviation, observée quelques années plus tôt, des trajectoires de ces galaxies par rapport à celle qu'elles devraient suivre si elles n'étaient mues que par l'expansion de l'Univers.
Hélène Courtois veut percer ce mystère. Elle raconte sa quête dans Voyage sur les flots de galaxies (Dunod, 2016), un récit vivant -entrecoupé de digressions techniques. " La découverte des mondes extragalactiques m'enchante, écrit-elle au sujet de sa ren-contre avec le grand attracteur, dans le cadre de sa thèse, au début des années 1990. Je -visualise un tout petit coin d'Univers auquel les cosmologues ont donné le nom de groupe local où notre galaxie et ses deux proches voisines – la galaxie d'Andromède et la galaxie du Triangle – évoluent avec leur cortège de -galaxies naines satellites, telles des reines gracieuses entourées par une cour frétillante. "
Cet enchantement avait une source plus -ancienne : au lycée, une prof de physique lui avait révélé l'origine cosmique de nos atomes. Sa voie vers l'astrophysique est alors tracée. Pour sa thèse, elle décide de partager son temps entre le laboratoire de l'astrophysicien Georges Paturel, à l'Observatoire de Lyon, et le laboratoire de Warrick Couch, à l'université de Nouvelle-Galles du Sud en Australie. Elle -accède ainsi au radiotélescope Parkes, le plus performant de l'époque pour l'observation des vitesses des galaxies du ciel du Sud. Elle calcule leur trajectoire en direction du grand attracteur à partir des données qu'elle collecte. A la fin de sa thèse, en 1995, la jeune cosmographe parvient à placer 1 376 galaxies sur sa première carte dynamique, " trois fois plus que les sept samouraïs ", se réjouit-elle dans son livre.
Mais à la fin du siècle, ses instruments de -mesure se mettent à lui faire défaut. La modernisation du télescope Parkes le rend en effet inutilisable durant plusieurs années, tandis que le Green Bank Telescope (GBT), qui permet d'observer le ciel du Nord depuis la Virginie occidentale, aux Etats-Unis, est en chantier à la suite de son effondrement en 1988. Hélène Courtois ne se décourage pas pour autant et affûte ses outils. Durant son -année de post-doctorat, à l'Institut Max-Planck en Allemagne, elle développe ses compétences en algorithmes et réalise des simulations. De retour à la Lyon en 1997, elle entreprend de scruter les supernovae. En observant l'évolution de la brillance émise lors des explosions d'étoiles géantes, elle -confirme avec ses collègues du consortium SNLS que l'expansion de l'Univers s'accélère, comme cela avait été prédit en 1998. Elle contribue aussi à -affiner, grâce à ce travail, le calcul de la constante de Hubble qui traduit cette expansion.
La reconstruction du GBT et la remise en service du télescope Parkes au milieu des années 2000 lui insufflent un nouvel élan. Durant l'année 2006-2007, elle s'expatrie aux Etats-Unis pour recueillir des données d'observation sur le GBT et cartographier l'ensemble du ciel, en complétant les données du ciel austral par celles du ciel septentrional. Elle séjourne également à Hawaï, auprès de l'astrophysicien Brent Tully, un pionnier de la cartographie des -galaxies de l'Univers local. Là, elle accède au -télescope optique situé sur le volcan Mauna Kea, à 4 200 m d'altitude. Dans des conditions d'observation rendues optimales par l'altitude et la pureté de l'air, elle y mesure la brillance des galaxies qui, combinée à la vitesse, permet le calcul de la distance qui nous sépare d'elles.
En 2006, elle crée Cosmic Flows, rejoint par Yehuda Hoffman de l'Université hébraïque de Jérusalem, spécialiste de la cartographie des courants cosmiques, puis par le cosmographe Daniel Pomarède. Ensemble, ils cartographient les flux de 8 000 galaxies, en étudiant leur mouvement le long de vallées et de plaines cosmiques, et proposent une nouvelle -représentation de notre proche univers, baptisé Laniakea, " Paradis incommensurable " en hawaïen. Jusqu'alors positionnée dans l'amas de la Vierge, la Voie lactée y est représentée au sein d'un superamas de galaxies, s'étendant sur 520 millions d'années-lumière et délimité par les lignes de partage des flux des galaxies. La description du " grand répulseur " complète cette vision dynamique du cosmos.
Ces " savoirs émergents ", comme elle aime les nommer, ne doivent pas rester l'apanage des scientifiques. Leur vocation est aussi d'éclairer le citoyen, conçoit-elle. " Par leur travail, les chercheurs contribuent à l'éducation, faisant front contre l'obscurantisme ", n'hésite-t-elle pas à écrire dans son livre. Un rôle qu'elle endosse avec ferveur à l'université, où elle -promeut l'enseignement de l'astrophysique, comme au planétarium de Vaulx-en-Velin, qui consacre, dans son exposition permanente, un espace à ses travaux. Intitulé " L'Univers en questionnement ", il est réactualisé au fil de l'évolution de ses cartographies, afin de fournir au visiteur un accès direct à la science en train de s'élaborer. Et à Hélène Courtois la gratification d'une mission bien accomplie.